La convention Aeras : une perspective juridique

La convention Aeras, un dispositif essentiel pour l’accès à l’assurance et au crédit des personnes présentant un risque de santé aggravé, soulève d’importantes questions juridiques. Cet article propose une analyse approfondie de cette convention sous l’angle du droit, en abordant les principaux aspects qui la caractérisent et les enjeux qu’elle soulève.

La genèse et les objectifs de la convention Aeras

La convention Aeras (s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) est née de la volonté des pouvoirs publics, des organismes d’assurances et des associations de malades de faciliter l’accès à l’assurance emprunteur pour les personnes présentant un risque aggravé de santé. Elle a été signée pour la première fois en 2001 sous le nom de convention Belorgey, puis révisée en 2006 et en 2011 pour tenir compte des évolutions législatives et réglementaires.

L’objectif principal de la convention Aeras est de permettre à ces personnes, qui ont souvent été confrontées à des refus ou à des surprimes importantes lorsqu’elles cherchaient à contracter un prêt immobilier ou professionnel, d’accéder plus facilement au crédit. La convention prévoit ainsi un dispositif spécifique d’évaluation du risque médical, basé sur une approche individualisée et tenant compte des évolutions récentes de la médecine et des traitements.

Le dispositif d’évaluation du risque médical dans la convention Aeras

Le dispositif d’évaluation du risque médical prévu par la convention Aeras repose sur plusieurs étapes. Tout d’abord, l’assureur doit proposer à l’emprunteur un questionnaire de santé permettant de déterminer s’il présente un risque aggravé. Si c’est le cas, l’assureur doit ensuite procéder à une évaluation individualisée de ce risque, en tenant compte notamment des données médicales fournies par l’emprunteur et, si nécessaire, en sollicitant l’avis d’un médecin-conseil.

Dans le cadre de cette évaluation individualisée, l’assureur peut décider de proposer une assurance emprunteur avec des garanties adaptées au risque présenté par la personne et, le cas échéant, moyennant une surprime. Si l’assureur refuse de couvrir le risque ou si la surprime est jugée trop élevée, l’emprunteur peut saisir un deuxième niveau d’examen, composé d’un comité médical indépendant et chargé de réexaminer le dossier.

Enfin, si ce deuxième niveau d’examen confirme le refus ou la surprime importante, l’emprunteur peut bénéficier d’un troisième niveau d’examen, qui consiste en un examen collégial impliquant les représentants des assureurs, des banques et des associations de malades. Ce dernier niveau d’examen a pour but de favoriser la recherche de solutions alternatives et innovantes pour couvrir le risque de santé aggravé.

Les enjeux juridiques de la convention Aeras

La convention Aeras soulève plusieurs enjeux juridiques, notamment en matière de protection des données personnelles et de non-discrimination. En effet, l’évaluation individualisée du risque médical implique la collecte et le traitement d’informations sensibles concernant la santé des emprunteurs, ce qui nécessite un encadrement juridique strict pour garantir leur confidentialité et leur sécurité.

Ainsi, la convention prévoit que les assureurs doivent respecter les règles relatives à la protection des données personnelles, notamment celles issues du Règlement général sur la protection des données (RGPD) et de la loi Informatique et Libertés. Par ailleurs, elle impose aux médecins-conseils d’être soumis au secret médical et d’informer les emprunteurs sur leurs droits en matière de protection des données personnelles.

En outre, la convention Aeras vise également à lutter contre les discriminations liées à l’état de santé ou au handicap. Ainsi, elle prévoit que les assureurs ne peuvent pas refuser une assurance emprunteur au seul motif qu’une personne présente un risque aggravé de santé. De plus, elle interdit aux banques de prendre en compte le caractère aggravé du risque pour fixer les conditions du crédit (taux d’intérêt, durée).

Enfin, la convention Aeras prévoit un dispositif de médiation pour les emprunteurs qui estiment avoir été victimes de discrimination ou dont les droits en matière de protection des données personnelles n’ont pas été respectés. Ce dispositif permet aux emprunteurs de saisir un médiateur indépendant, qui sera chargé d’examiner leur réclamation et de proposer une solution amiable.

En résumé, la convention Aeras constitue un dispositif essentiel pour l’accès à l’assurance et au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé. Elle repose sur une approche individualisée et innovante de l’évaluation du risque médical, tout en tenant compte des enjeux juridiques liés à la protection des données personnelles et à la lutte contre les discriminations. Son efficacité dépend néanmoins du respect des règles qu’elle édicte par les acteurs concernés (assureurs, banques, professionnels de santé) et du suivi attentif de son application par les pouvoirs publics.